Parler du silence, voilà une tâche qui pourrait se révéler ardue, tant il est vrai que les deux termes semblent antinomiques. En effet, parler du silence revient inévitablement à briser le silence...mais, peut- on vraiment dire que la parole s’oppose au silence ? Comment peut-on vraiment le définir ? Est-il simplement une absence de parole ou de son ?
Il convient donc de bien saisir de quel silence il s’agit. C’est à un renversement de perspective que le Cardinal nous invite. En effet, nous sommes habitués à voir dans le silence l’expression de l’absence de Dieu, ou tout au moins de son désintérêt sur ce qui nous concerne. L’humanité n’est-elle pas marquée depuis des siècles par la violence et l’injustice ? N’a-t-elle pas été traversée par des tragédies innommables et des guerres ? La nature elle-même crie, gronde, se révolte, et ceci se traduit par des dérèglements qui mettent en péril la vie sur notre planète. Les Ecritures Saintes elles-mêmes vibrent du cri de détresse de l’innocent. Jésus fera sien ce cri : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » Telle sera sa prière au paroxysme de sa déréliction. En réponse à toutes ces situations dramatique : le silence de Dieu. Là où on espère une Parole, une irruption réparatrice de la toute-puissance divine. L’homme qui crie bute sur le silence de Dieu.
Pour le Cardinal guinéen, ce silence dit Dieu. En ce silence, Dieu nous parle. C’est en nous laissant envelopper dans la foi par ce silence que nous pouvons pénétrer le mystère insondable de Dieu et trouver toutes les réponses aux questions les plus profondes de nos existences.
Dès lors, nous comprenons que Le silence ne s’oppose pas à la parole. Il apparait plutôt comme un antidote du bruit qui déshumanise l’homme. C’est ce qu’il nous montrera dans sa conférence du 12 décembre prochain : il nous parlera à partir de sa propre expérience humaine et spirituelle, lui le natif d’Ourouss en Guinée-Conakry, entre la forêt équatoriale et la savane, qui connait le silence parfois lourd et oppressant de la nature.
Ancien archevêque de Conakry, il connaît aussi le bruit des grandes villes africaines à l’urbanisme mal maîtrisé et où on a l’impression, surtout dans les marchés et les quartiers populaires, d’assister à un concours de décibels. De par ses responsabilités successives dans la curie romaine (Secrétaire de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, président de Cor Unum, préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements), le Cardinal connaît le bruit sophistiqué des pays développés ; celui des media avec l’avènement des chaînes d’information en continu qui ont parfois l’air d’un brouhaha rébarbatif qui nous enferme dans des sujets décidés par d’autres. Il n’ignore pas le bruit intrusif de la publicité qui s’impose partout, qui nous cerne et qu’on ne peut désormais presque plus éviter.
La Parole du Cardinal Sarah, enracinée dans son expérience de chrétien, prêtre et évêque rompu aux Ecritures et familier des pères de l’Eglise, répond à nos interrogations sur cette réalité à laquelle nous sommes confrontés, d’une manière ou d’une autre. Peut-on vraiment prier sans entrer dans le silence ? Quels sont les dangers auxquels nous sommes exposés dans une société au vacarme incessant ? est-il possible que nous nous soustrayions aux sollicitations extérieures pour rentrer en nous-même ?
Le cardinal Robert Sarah nous parlera de l’expérience du bruit et de ses méfaits, mais surtout de celle du silence qu’il connaît à travers son itinéraire de foi. Il vient nous témoigner de la force du silence. Il vient nous rappeler que c’est dans le silence que la Parole devient message, cri d’amour et de liberté. Il nous le présente comme une nécessité vitale, « car « il protège l’âme contre la perte de son identité, il prévient l’âme contre la tentation de vaquer au dehors, loin d’elle-même. »
Au cœur du silence, l’homme trouve l’ineffable, il entend Celui qui dit tout sans rien dire. Il dit parce qu’il EST.
Père Pascal Molemb Emock
Vicaire Général